L
’a r b r e t
é m o i n
l
’a r b r e e t l a m é m o i r e
Voir
deux panneaux
L
’arbre témoin se dresse au cœur de la forêt ou
au bord du chemin, immobile parfois depuis tant
et tant de vies humaines que nul ne sait plus
aujourd’hui par qui et combien de fois il fut décidé
de le laisser planté là. L’arbre
témoin ne montre apparemment rien de plus
que n ’importe quel arbre de son âge ou de sa
taille. Tout juste son ancienneté évidente nous incite-t-elle
à lui octroyer la compétence d ’avoir fait
pour nous le compte du temps passé.
L
’arbre témoin attend le passant qui lui fera révérence,
qui se souviendra de ce qui lui fut
raconté, une histoire très ancienne qu ’il pourra
dire et redire, pour l a conserver et la partager
encore, l ’associer une fois de plus à ce vieux tronc moussu.
L
’arbre témoin est chargé par nous de suggérer quel
que chose de notre mémoire, un grand ou
un petit événement, qui fut merveilleux ou sombre,
collectif ou particulier. Il n ’est qu ’un signe,
mais un signe élu de l’enracinement que
nous nous choisissons.
Cet
arbre était là, préalablement à ce qui lui est associé,
à moins qu ’il n’ait été planté délibérément, collectivement,
parce qu ’il faut
bien se réunir dans la tourmente, et parce qu ’il faut
à l ’homme des signes d
’espoir. L’arbre est alors un messager, à qui on
fait confiance pour porter longtemps le témoignage de ce qui s ’est
passé, guerre ou révolution.
L
’arbre témoin est parfois considéré comme acteur
de la tragédie, ayant par exemple caché le tireur embusqué, ou
compagnon du droit, ayant protégé
la fuite de l ’innocent traqué.
Toujours,
la réalité de l ’arbre témoin s ’inscrit dans
le grand livre d ’images où s ’est dessinée notre
histoire, dans lequel les rois à cheval traversent
les forêts profondes, les combattants vendéens
se faufilent au long des chemins creux, les
maquisards dressent leur camp de fortune dans
d ’impénétrables taillis.
L
’arbre témoin, quelquefois, est objectivement témoin,
quand le sens de sa présence est authentifié
par d ’autres signes tangibles, historiques,
archéologiques. Le lien peut être plus
indirect, quand le legs de l ’arbre disparu est un
nom, laissé aux lieux et aux hommes. Mais là encore,
l ’arbre est un élément de la mémoire de ce
qui était et de ce qui fut fait.
|