L’a
r b r e r
e p è r e
l
’a r b r e e t l e t e r r i t o i r e
Voir
un des panneaux
L
’espace rural est un ensemble complexe,
qui présente
une sédimentation de t r a c es entremêlées,
vestiges d ’activités successives et des
aménagements qui leur sont liés. L ’arbre, par sa longévité, laisse
apparents des repères. Il reste à sa place initiale, il grandit et se
transforme, et dessine dans les paysages des signes plus ou moins
déchiffrables.
Le
spécialiste de l’archéologie des paysages sait lire dans
l ’alignement de deux ou trois frênes la trace d
’une ancienne haie bocagère. Sur une photo aérienne,
il distingue dans la forme particulière d
’un boisement l ’empreinte d ’une voie antique, l
’image d ’une fortification médiévale arasée, le méandre
asséché d’une rivière canalisée.
Peut-être
à leur insu, le simple promeneur, l
’habitant d ’une commune, l’automobiliste pressé perçoivent
que la cime sombre d ’un cèdre émergeant
d ’un bois indique l ’existence d ’un parc
planté d ’essences exotiques, et signifie la présence
invisible d ’un château, d ’une propriété bourgeoise.
Le départ d ’une allée cavalière suffit, mieux
qu ’un portail monumental, à le signifier aussi.
L ’alignement courbe des peupliers leur montre
le canal ou la rivière, avant qu ’ils en aient vu le cours. Les
verticales de deux cyprès leur
indiquent le calvaire du prochain carrefour.
L
’inclinaison croissante des pins
leur fait savoir qu ’ils s
’approchent de la mer. Les
courbes imminentes de la
route sont prévisibles, grâce
aux platanes qui la bordent.
Le séquoia géant, voisin de la flèche du clocher,
situe le jardin du presbytère.
«Parfois,
un arbre humanise mieux un paysage que
ne le ferait un homme.» Cette phrase de Gilbert
Cesbron est peut-être une image de cette présence
de l ’arbre dans notre regard. Et son absence
nous est douloureuse. Le remplacement des
arbres urbains est vécu comme un traumatisme. L’arrachage des haies du
bocage est ressenti comme
une forme de mort du paysage.
C
’est que la disparition d ’un arbre, si elle peut nous
faire perdre un repère visuel, spatial, structurant, nous prive surtout d
’un élément signifiant,
symbolique, de la nature de l ’espace qui
nous entoure.
L
’arbre nous rappelle qui nous sommes, en nous montrant
où nous vivons. Il est un lien, nécessaire à la compréhension de notre
environnement géographique
et mental. Repère, il nous permet de
nous retrouver, et peut-être est-ce au sens propre comme au sens figuré.
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