l
’a r b r e d i s t i n g u é
l
’a r b r e e t l e p a r c
Grâce
au port de Nantes, qui fut au XVIIIe siècle une des principales portes d
’entrée des plantes d ’outre-mer en France, grâce aux familles
nantaises dont certains membres, marins ou savants, propriétaires
éclairés ou esthètes, furent les créateurs et les conservateurs de
collections et de parcs remarquables, grâce aussi à la diversité des
sols et des climats, la Loire-Atlantique est riche en arbres de grande
qualité et parfois de grande rareté.
Là
où furent construites de nombreuses demeures entourées de parcs,
notamment au long des vallées de la Loire, de l ’Erdre et de la Sèvre,
l’horizon est souvent animé par la silhouette ou la couleur
particulière d ’un arbre exotique. En ville également, les rues et les
jardins sont riches d’arbres de provenance lointaine.
En
dehors du charme, dont la capacité à être conduit sous la forme de
charmilles ou d ’alignements réguliers lui a donné depuis longtemps le
statut d ’arbre noble, l ’arbre de parc est souvent un arbre exotique.
Parfois acclimaté depuis si longtemps qu ’il nous semble avoir toujours
grandi sous nos climats, comme le platane, le marronnier, le mûrier.
À
l’origine, une simple graine ou un petit plant fragile, qui peut-être
traversa les mers pour venir germer ou se développer dans la chaude
lumière d ’une serre. La main experte d ’un jardinier planta le sujet
encore frêle au cœur d ’un futur massif, selon les souhaits d ’un
paysagiste, d ’un botaniste ou d ’un châtelain avisé. Un ou deux
siècles plus tard, nous pouvons aujourd’hui admirer l ’élévation
massive d ’un séquoia géant, les sombres branches d ’un cèdre, le
feuillage vernissé et la floraison éclatante d ’un magnolia, le reflet
roux d ’un bosquet de cyprès chauves dans l ’eau calme d ’un
étang.
Pour
sa rareté ou son étrangeté, mais surtout pour sa mise en scène au sein
d’une composition paysagère, l ’arbre de parc ne peut pas être
perçu de la même manière que le chêne de la forêt ou le frêne
têtard de la haie champêtre.
Tout
autant qu ’une création de la nature ou de la botanique, il peut être
regardé comme le symbole d ’une appropriation sociale de l ’espace,d
’une histoire de la science et du commerce, d ’une évolution du
regard du peintre sur le paysage.
Par
nature, il se distingue des arbres qui l ’entourent et, avec eux, il
distingue celui qui les a choisis et plantés.
I - l ’a r b r e s e
i g n e u r i a l
Voir
le panneau
L
’arbre de haut jet est au Moyen Âge un signe du pouvoir féodal et de
sa relation au territoire. Près
de la demeure,
son tronc élancé et sa frondaison,
au même titre que les douves,
les tours ou le pigeonnier,
signifient
le privilège de la noblesse, expriment l’ancienneté de ses
droits.
La
forêt, espace réservé de
pâture, produit
les ressources essentielles, bois,
gibier, fruits.
Le chêne, le
tilleul,
l
’orme ou le frêne symbolisent sa possession. Les
arbres «marmenteaux »sont conservés par-delà les générations,
et leur destruction est aussi grave
que celle du château lui-même. Le
droit féodal est dit sous l
’arbre de justice, et
la légitimité aristocratique s ’appuie sur un arbre généalogique.
II - le paysage et le jardin
Voir
le panneau
La
Renaissance modifie profondément le regard de l ’homme sur son
environnement. Le « paysage »
apparaît,
dans la pensée comme dans la
peinture, et la perspective
permet de construire sa représentation.
L’homme
veut connaître le monde, il
voyage et collectionne. Il
veut maîtriser la nature, et
crée des jardins
réguliers, ouverts, dessinés,
où des arbres taillés obéissent
à la volonté des jardiniers de créer des masses,
des
volumes, des points de vue.
Dès
le XVI e siècle, le botaniste
Pierre Belon persuade le roi de France de favoriser l ’implantation d
’arbres découverts
lors de voyages au Proche-Orient. C
’est ainsi que le platane vient embellir allées et avenues.
I I I - l ’a r b r e
a c c l i ma t é
Voir
le panneau
Les
opportunités dues au commerce maritime et à la découverte de nouveaux
continents, ainsi que l ’essor
de
la botanique, se conjuguent aux XVII e et XVIII e siècles pour
favoriser la création de collections de plantes exotiques.
Ainsi au Pallet, l
’amiral Barrin de la Galissonnière,
intime des plus grands scientifiques
de son temps, crée
un parc botanique de grand renom. Les
essences sont acclimatées, étudiées,
multipliées,
autant pour leur connaissance
en tant que telle que pour la recherche de leurs propriétés médicinales
ou nutritives. Des variétés
nouvelles
sont créées et diffusées, dans
une logique de développement agricole et économique.
I V - l ’arbre d ’ornement
Au
XVIII e siècle, l ’évolution des
préoccupations philosophiques et picturales permet la création de
jardins «
à l ’anglaise », où un
morceau de territoire est recomposé en « parc»,
expression
d ’une nature harmonieuse,
mythologique,
où l ’homme trouvera les
conditions de son bonheur. Les
parcs présentent une succession de scènes
« naturelles », composées
comme des peintures de paysage. Dans
ces parcs comme dans les espaces publics
urbains, les « arbres d ’ornement
» sont choisis et mis en scène pour l ’élégance de leur silhouette,
de leur
feuillage, de leur floraison,
autant que pour leur rareté.
V - L ’a r b r e r o
ma n t i q u e
Voir
le panneau
La peinture de paysage
exprime l ’évolution de l ’idée de nature au début du XIX e
siècle.
L ’arbre du Romantisme n
’est plus seulement l ’arbre aimable du hameau de Marie-Antoinette. Il
retrouve des relations avec les mondes
anciens peuplés de monstres et de peurs irrationnelles. Il impressionne
par son âge et son gigantisme, ses
formes torturées, ses ombres inquiétantes. À nouveau chargé des
symboles et des vénérations d’une Antiquité
et d ’un Moyen Âge réinventés, il participe avec de vraies et fausses
ruines à la composition de paysages
où l ’homme est fragile, seul, tourmenté. Le goût pour les
plantations compactes, les feuillages sombres, les ramures irrégulières
et les arbres de grand développement n ’est sans doute pas étranger à
ce sentiment.
VI - L ’arbre du
propriétaire
Voir
le panneau
Après la Restauration, de
nombreux châteaux sont restaurés ou reconstruits au cœur de vastes
domaines que
la réorganisation foncière post-révolutionnaire a rendus possibles. Le
territoire est mis en valeur, rationalisé,
ouvert par de nouvelles voies de communication. De nombreux parcs sont
dessinés. Le
parc « agricole » n ’est plus un espace clos et réservé. Il est un
lieu ouvert, d ’excellence et d ’efficacité autant
que d’agrément, qui témoigne du progrès agronomique. Pour des
propriétaires qui allient aux préoccupations
économiques un intérêt réel pour la botanique et l ’esthétique,les
arbres acclimatés constituent
de véritables collections, des arboretums.
Au
XIX e siècle,
l ’arbre d ’ornement accompagne l ’évolution de la maison
bourgeoise, dans des jardins clos de murs
ne laissant voir que le sommet des frondaisons. La notion de plantation d
’agrément se diffusera ensuite dans
l ’ensemble de la société, pour représenter finalement l ’idéal
même du jardin individuel ou public.
V I I - L ’a r b r e
p u b l i c
En ville, les jardins d ’acclimatation
s ’ouvrent au public vers le milieu du XIX e
siècle,
et de nouveaux jardins sont
créés, avec des préoccupations didactiques, hygiénistes,
urbanistiques. L ’ouverture au public du parc de
Procé est conçue en 1912 par le maire de Nantes comme une contribution
à la création des «poumons nécessaires
à la vie de l ’organisme important qu’est une grande ville
industrielle ».Selon leur histoire et leur situation
urbaine, les jardins publics prendront des formes variées, squares
fleuris ou arboretums, parcs à l ’anglaise ou «bois »aménagés. Ils
seront des lieux d ’enseignement de la botanique ou de concerts sous
le kiosque, de
jeux des enfants ou de promenade dominicale, où l ’arbre est un outil d’aménagement
et un élément
décoratif.
|